Que de confusions autours des termes vin bio, vin biodynamique et vins naturels ! … Au-delà des certifications et différences culturales, il est important de ne pas adopter une attitude trop dogmatique à l’égard de ces pratiques, mais au contraire de faire preuve d’ouverture d’esprit afin d’appréhender chacune d’entre elle comme un moyen et non un but. Seule la démarche globale de chaque vigneron donne une véritable cohérence à son travail, et permet de comprendre sa « philosophie ». Sans prétendre détenir une vérité universelle, nous tentons par ce propos de vous apporter quelques éclaircissements afin de dénouer les principaux enjeux de cet imbroglio.
L’agriculture conventionnelle est encore celle la plus largement répandue à ce jour. Produits phytosanitaires, produits de synthèse (pesticides, herbicides, fongicides)… tout ou presque est autorisé par le législateur pour lutter contre les maladies et enrichir les sols. Cela s’accompagne la plupart du temps d’un impact sévère sur l’environnement et les organismes vivants, ainsi que sur la pollution des sols et des nappes phréatiques. Double-peine pour le consommateur et l’amateur puisque le vin nécessite ensuite d’être corrigé par une panoplie impressionnante de produits œnologiques au service du “nettoyage” et de la standardisation des vins.
Vaste débat que la notion de « culture raisonnée » considérée par les uns comme une simple supercherie commerciale destinée à rassurer le consommateur, par les autres comme une première démarche responsable vers une culture biologique. Selon le ministère de l’agriculture, l’agriculture raisonnée correspondrait à un ensemble de démarches globales de gestion d’exploitation qui visent, au-delà du respect de la réglementation, à renforcer les impacts positifs des pratiques agricoles sur l’environnement et à en réduire les effets négatifs, sans remettre en cause la rentabilité économique des exploitations.
A noter que certains organismes tels que Terra Vitis tentent d’apporter de la transparence envers le consommateur par une certification visant à protéger les traditions viticoles, l’innovation, et la protection de l’environnement.
La promesse souhaitée de la Haute Valeur Environnementale, c’est une agriculture qui intègre et développe la biodiversité dans la conduite de l’exploitation, et limite au maximum les intrants (phyto, engrais, énergie, aliments extérieurs, etc.). Pour une agriculture à la fois autonome et peu dégradante pour les sols, l’eau, l’air. Trois niveaux graduels vers la Haute Valeur Environnementale.
La certification couvre l’ensemble des activités de l’exploitation : culture, élevage et environnement des parcelles et des animaux. Le niveau 3 est validé par des audits qui peuvent être gérés sur un plan collectif à l’échelle d’un territoire.
Ce label est pour autant extrêmement controversé, d’une part car le système de notation est plutôt arrangeant, d’autre part il n’y a pas d’obligation de respecter tous les critères. A titre d’exemple, l’exploitation est évaluée sur la présence de ruches, la surface couverte par la culture principale, le nombre élevé d’espèces cultivées, d’espèces animales et d’espèces menacées, et la surface des infrastructures agroécologiques. Or, il suffit que ces infrastructures occupent plus de 9 % de la surface agricole utile pour récolter les 10 points nécessaires, sans avoir à se préoccuper des autres critères ! En clair, la certification « haute valeur environnementale » n’oblige pas à reconfigurer en profondeur les modes de production. Et passe en partie à côté de son objectif.
L’agroécologie apparait comme une alternative à l’agriculture industrielle spécialisée souvent intensive basée sur l’utilisation d’intrants et d’énergie fossile. Au contraire, elle promeut la biodiversité et les processus naturels. Elle vise à réduire l’utilisation des intrants (engrais chimiques, pesticides, eau), et à prendre en compte la biodiversité et le changement climatique (résilience).
Chaque agriculteur adapte, conçoit et développe ses pratiques en fonction des spécificités de son territoire et de la nature de son exploitation. Même, si on retrouve des caractéristiques communes selon les territoires ou pays, il n’y a donc pas d’uniformité de pratiques. Des tentatives de définition ont été faites à plusieurs reprises. Mais il n’existe à l’heure actuelle aucune définition officielle.
Reconnu en France sous le label AB depuis les années 80, l’agriculture biologique visait initialement à faire respecter un certain nombre de règles de travail des sols selon un cahier des charges préservant la qualité des sols, les ressources naturelles, l’environnement et le maintien local des professions agricoles. Cette mention ne donnait toutefois aucune garantie concernant le processus de vinification.
Cette dernière faiblesse est corrigée depuis 2012 par la mention « vin bio » réglementée par un cahier des charges européen étendant les règles au travail de cave. Non sans contestation car il réside encore quelques désaccords majeurs concernant l’utilisation pléthorique d’intrants, notamment au niveau des levures exogènes, des acides et du niveau de souffre (SO2).
En s’appuyant sur les écrits du philosophe autrichien Rudolph Steiner, la biodynamie va plus loin que la culture des vins bio. Elle consiste à valoriser le sol et la vigne dans son environnement naturel grâce à des préparations exclusivement issues de matières végétales, animales et minérales, le tout en suivant un calendrier basé sur les rythmes solaires et lunaires. L’enjeu est de retrouver un équilibre de l’écosystème et de créer des conditions de vie harmonieuses entre terre, plante et environnement afin d’obtenir un vin de haute qualité. Si aucun accord européen n’existe à ce jour, deux certificateurs sérieux et reconnus, Demeter et Biodyvin, règlementent aujourd’hui la pratique biodynamique. Force est de constater que bon nombre des plus prestigieux domaines français sont aujourd’hui en pratique biodynamique.
Il semble à cet instant important de mentionner quelques autres initiatives en marge de toute législation européenne telle que Nature & Progrès qui tente de réunir professionnels et consommateurs au sein d’une même démarche. Agriculture biologique, biodiversité, protection de l’environnement et de la santé, respect du tissu rural et du travail paysan, approche solidaire, éthique rigoureuse sans complaisance avec l’économie de marché. Pour certains, Nature & Progrès représente aujourd’hui ce que le mouvement « bio » devrait être, histoire de souligner un peu plus les divergences et conflits d’intérêt au sein de ce mouvement.
Difficile d’apporter une définition précise et exhaustive à la notion de vin naturel puisqu’il n’en existe pas. Toutefois, quelques regroupements tels que AVN (Association des Vins Naturels) ou SAINS (Sans Aucun Intrant Ni Sulfites ajoutés) proposent un cahier des charges qui vient soutenir une pratique qui s’apparente davantage à une philosophie qu’à une simple pratique culturale ou méthode de vinification. il est donc essentiel pour tout amateur de vins naturels d’être au plus proche de chaque vigneron pour comprendre sa démarche et son travail.
Nous pouvons nous accorder sur quelques principes communs qui permettent de comprendre la démarche de ces vignerons pour qui vins bio et vins en biodynamie ne suffisent pas. De façon très générale, nous pouvons affirmer que la volonté de ces vignerons est d’être en osmose totale avec la nature et l’environnement en réalisant des vins avec un minimum d’intrants et d’interventions. En quelques mots : culture organique évidemment, enherbement naturel et biodiversité, usage exclusif de levures indigènes, pas de filtration, et réduction presque totale de sulfites ajoutés.
Au-delà de toute approche dogmatique, les artisans-vignerons que nous défendons sont avant tout des amoureux de leur terre et de leurs vignes, animés par un profond respect de la nature de l’environnement. Qu’ils soient en bio, biodynamie, vins naturels ou en culture raisonnée, leurs vins sont vinifiés de façon la plus naturelle possible pour mettre en avant ce qui constitue leur identité et leur typicité : LE TERROIR !